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vendredi 25 mars 2016

Petite suggestion à mes amis du Faso

Lorsque le Président Thomas Sankara adoptait l’appellation Burkina Faso en lieu et place de la Haute-Volta le 4 août 1984, son choix – jugé éclairé – revêtait trois dimensions. Il voulait manifester l’émancipation de son pays vis-à-vis de la colonisation française. Il souhaitait trouver une appellation ancrée dans les terroirs, à travers un savant dosage des langues nationales, dans laquelle les burkinabé se reconnaitraient. Il ambitionnait de donner le ton quant à la société du « pays des hommes intègres » qu’il entendait construire.
 Aujourd’hui, quand je regarde la géographie du Faso, je regrette qu’il se soit arrêté en chemin et que ses successeurs n’aient pas poursuivi cette œuvre. En effet, sur les treize régions administratives du pays, seules cinq portent des noms qu’on pourrait dire inspirés du terroir (Sahel, Boucle du Mouhoun, Hauts-Bassins, Cascades, Plateau central). Les huit autre sont un simple positionnement dans les quatre points cardinaux (Nord, Centre, Centre-Nord, Centre-Sud, Centre-Ouest, Est, Centre-Est, Sud-Ouest). A mon avis, cela manque d’originalité et même un peu d’élégance. La richesse culturelle, linguistique et géographique du pays donne pourtant d’énormes possibilités pour (re)baptiser ces régions, en leur donnant des noms dans lesquels les citoyens se reconnaitraient.
Après le courage exemplaire démontré par les burkinabé pour renverser le pouvoir de Blaise Compaoré, refuser une insurrection et une tentative de coup d’Etat militaire, les nouvelles autorités seraient bien inspirées d’opérer cette évolution.
Cela ne sera sans doute pas une révolution, ni ne changera les conditions de vie des citoyens, mais mettrait sûrement un peu de baume à leur cœur et au nôtre.

vendredi 16 janvier 2015

Les micro-entreprises en Afrique de l'Ouest ou le développement par la petite porte

Mon premier livre vient de paraître aux Editions l'Harmattan. En voici un résumé.

Les politiques économiques conduites en Afrique de l’ouest depuis les indépendances se sont focalisées sur le mythe de grandes entreprises industrielles et le mirage d’exploitations agricoles mécanisées aux cultures intensives. Cette tendance s’est basée sur les analyses de nombreux économistes du développement obnubilés par la recherche du formalisme rassurant d’un tissu économique dont ils rêvent. Ces politiques se sont mises en place au mépris de la réalité des économies nationales, formées de très nombreuses micros et petites entreprises et d’exploitations agricoles familiales, souvent informelles, qui occupent l’immense majorité de la population active. Les mauvais résultats obtenus sont à la mesure des errements dans les choix opérés, malgré des taux de croissance soutenus, une population jeune et d’immenses potentialités.























En Afrique subsaharienne le développement des micro-entreprises, qui constituent la norme des économies, comme base de croissance, de création de richesses et d’emplois décents, apparaît comme une alternative crédible de développement économique et social. Cela nécessite de sortir des sentiers battus dans les approches du développement, à travers un changement fondamental des modes de gouvernance économique et politique en cours. Cela suppose un changement radical de paradigme, afin de concevoir et mettre en œuvre un ensemble de mesures complètes, cohérentes et volontaristes, et une stratégie globale permettant de faire du secteur privé réel le vrai moteur de la croissance et du développement. Cela impose d’imaginer des modes de financement alternatifs du développement basés sur les capacités et les potentialités endogènes.

mercredi 14 mai 2014

Impressions

Je viens de boucler un séjour d’un mois au Mali. Cela faisait un moment que je n’étais pas resté aussi longtemps. J'ai eu l’opportunité de regarder ce qui s’y passe et d’écouter ce qu’on en dit de l’intérieur.
La première impression qu’on a est celui d’un pays qui a pris un sacré coup sur la tête. Cela se voit et se sent partout, on a pas besoin d’un avis d’expert ni de l’étude d’un spécialiste. Il suffit de se déplacer à Bamako, de n’importe quel point vers n’importe quel autre, on est frappé par l’incivisme grandissant, l’insalubrité ambiante et la précarité.
La seconde impression, non moins insupportable, est le comportement quelque peu pleurnichard des personnes avec lesquels on parle. Tout le monde répond à la banale et naturelle question « comment ça va ? » par une longue litanie sur la crise, sur ses difficultés propres et cette phrase qui revient toujours à la fin : « le pays est arrêté ! ».
La troisième, tout aussi peu rassurante, est sur la scène politique. L’ambiance délétère dans le pays est frappante, qu’il s’agisse de la gestion familialo-clanique du pouvoir, des conditions de la démission d’un Premier ministre prometteur ou encore des conditions de passation des marchés ou d’achats des biens et services par l’Etat, tout y passe. Chaque sujet est discuté partout, avec plus ou moins de clairvoyance, de retenue ou de connaissance des dossiers.
Pour ma part, je pense que le sujet qui aura défrayé le plus la chronique est l’achat de l’avion présidentiel. Pourtant, elle est de loin moins importante pour l’avenir du Mali que les conditions et les raisons du départ du Premier ministre ou encore de la manière dont, dit-on, le pays serait géré par Karim Keïta, le fils du Président de la République. Plusieurs signaux laissent à penser que les dérives de fin de règne ailleurs se constatent déjà en début de régime ici…
Ce sujet cristallise les critiques pour des raisons simples, liées à sa mauvaise gestion. En effet, acheter un avion présidentiel n’est pas en soi un problème pour un pays. Dans le cas particulier du Mali, le problème se situe au niveau de la manière (la mauvaise communication) et du moment choisi (les maliens attendaient d’autres signaux).
Que le Président de la République s’offre un Boeing 737, quelques semaines après avoir réglé définitivement la question de Kidal et avec elle celle du MNLA et de ses affiliés, personne n’aurait trouvé à y redire. Que cette acquisition arrive peu après le retour à un fonctionnement jugé normal de l’économie (que le pays redémarre), et un sentiment de sécurité retrouvé dans le pays, on aurait tous applaudi.
Mais là, on a donné un mauvais signal, celui de laisser penser que le confort des quelques uns passe avant la survie de tous les autres.

vendredi 21 février 2014

Mail @ Blaise


La funeste loi des séries de l’instabilité politique et sociale en Afrique fait braquer des regards inquiets sur votre pays depuis quelques mois, après les graves crises du Mali et de la Centrafrique. Ces regards sont ceux des hommes et des femmes qui, en Afrique et dans le reste du monde, aiment le Burkina Faso.
Dans l’esprit de bien des gens, l’histoire – et sans doute aussi votre propre habileté politique – vous a conféré une chance inespérée, celle d’avoir été presque pardonné d’avoir effacé de la scène politique africaine l’un des acteurs les plus prometteurs de la renaissance du continent : votre ami, votre compagnon de lutte et frère d’arme, le président Thomas SANKARA. Croyez bien que beaucoup de personnes ont encore du mal à s’en remettre, vous accordant, malgré tout, le bénéfice du doute.
Vous vous êtes accommodé de cette situation et avez tenu bon. Durant plus de 27 années, vous avez fait ce que vous pouviez pour votre pays, avec les réussites qu’on vous reconnaît et les échecs inhérents à toute œuvre humaine.
Vous avez même gagné en sagesse et en reconnaissance, en devenant à plusieurs reprises médiateur dans les crises qui ont secoué vos voisins (Togo, Côte-d’Ivoire, Mali) et dont vous devez mesurer, mieux que personne, les conséquences prévisibles et imprévisibles.
Au moment où se pose à vous la question cruciale de votre avenir, le choix qui vous incombe aujourd’hui se situe entre deux portes qui s’ouvrent : la grande, celle qui vous permettra de préserver la paix sociale dans votre pays et de l’ancrer dans la voie du progrès démocratique et économique, avec le mérite et les honneurs qui vous seraient reconnus ; la petite, guidée par la tentation de rester contre vents et marées, et les conséquences désastreuses qui iraient avec.
Vous avez l’occasion historique de montrer au monde votre amour pour le Faso, celui-là même qui vous a conduit à sa tête, et qui devrait aujourd’hui encore guider votre choix. Ne cédez pas aux appels des courtisans et autres assoiffés de pouvoir qui vous « conseillent » de rester, en vous faisant croire qu’après vous, ce sera le déluge. Vous avez encore sans doute tant à apporter à votre pays et à l’Afrique, à d’autres niveaux de responsabilités. Ce n’est pas seulement depuis le palais présidentiel que vous pouvez être utile.
Vous avez pourtant eu des alertes, avec notamment la mutinerie de 2011 et la défection de quelques membres éminents de votre parti ces dernières semaines, ou encore cette ambiance délétère qui prévaut chez vous.
Il me paraît dérisoire de vous citer ici les bons exemples (Nelson MANDELA, Julius NYERERE, Alpha Omar KONARE, Léopold Sédar SENGHOR, Abdou DIOUF, Jerry RAWLINGS, etc.) qui ont chacun connu une vie après celle de président ; et les mauvais, bien plus nombreux, que leur entêtement a perdus.
Alors réfléchissez et faites le bien…
Bien à vous.

samedi 9 novembre 2013

Investissement quatre étoiles


En mars 2012, au lendemain de l’odieux coup d'état que le Mali a subi, j’ai posté un Article sur ce blog dans lequel je proposais de pénaliser les coups d’état militaires en les rendant passibles de poursuites de la Cour Pénale Internationale. Les circonstances aggravantes du putsch du désormais général 4 étoiles Ahmadou Aya Sanogo n’ont pas tardé à apparaître : son absence et celle de « ses hommes » du théâtre des opérations militaires dans le Nord-Mali (une des raisons qui avaient justifié le coup, faut-il le rappeler) ou encore les règlements de comptes divers sous la forme d’arrestations arbitraires, d’intimidations en tous genres, d’exécutions sommaires et de tueries à la garnison de Kati.
Certains ont soutenu que la promotion vertigineuse du capitaine s’expliquerait par une raison de "réconciliation nationale" ou de "promesse, à lui faite, non tenue par la CEDEAO". Dans un cas comme dans l'autre, cela me pose un problème. Dans le premier cas, il faut retenir qu'aucune réconciliation nationale n'est possible si elle ne s'accompagne pas de justice. La réconciliation nationale n'est pas un arrangement entre quelques personnes, mais un ensemble d'actes et de décisions dans lesquelles tous les citoyens se retrouvent, dans un élan d'apaisement collectif. Dans cette recherche de justice, les bonnes actions des uns doivent être aussi également récompensées que les fautes des autres sont sanctionnées. Dans le second cas, qui est d'ailleurs intimement lié au premier, la diplomatie et la politique peuvent tout à fait s'accommoder de ne pas tenir une promesse – faite à un seul homme – lorsque celle-ci est susceptible de compromettre une volonté collective de réconciliation ou de maintenir un pays entier dans l’instabilité politique et l’insécurité.
La réalité nous montre que l’action du général Sanogo aura été tout simplement un excellent investissement pour lequel, en bon homme d’affaires, il  pris les risques appropriés. Et les retours sur investissement sont là : alors qu’on pensait que la seule prime à ce coup d'état était sa nomination ubuesque comme général 4 étoiles, voilà qu’on lui déroule le tapis rouge des avantages dus aux anciens chefs d’Etat, avec en bonus plus d’hommes et de moyens à son service que l’ancien Président de la République-Chef de l’Etat, démocratiquement élu, Alpha Oumar Konaré.
D’une certaine façon, on aurait dit un coup de pousse supplémentaire au moment où le marché est en crise et montre des signes d’inquiétudes, sous la forme d’une demande de la justice malienne de l’interroger sur ses responsabilités dans plusieurs actes commis autour de lui.
Le signal est donc donné aux autres soldats en mal de pouvoir et de richesse : la scène politique malienne est une bourse, alors révisez vos fondamentaux d’économie, recrutez des traders et dites vous qu’il vous suffira de bien calculer le risque de mettre votre pays en péril si à défaut d'être chef d'Etat, vous aurez au moins l’assurance de vous retrouver général 4 étoiles, avec un statut d'ancien chef d'Etat, et de devenir riche et puissant.

mardi 17 septembre 2013

L’utile, le symbolique et l’agréable


Le Mali s’apprête à organiser en grande pompe la cérémonie d’investiture de son nouveau Président de la République, Monsieur Ibrahim Boubacar Keïta, ce jeudi 19 septembre 2013. Je m’étonne du choix de cette date qui interviendra trois jours seulement avant le 22 septembre, date anniversaire de la fête de l’indépendance du Mali. Et comme c’est souvent la mauvaise habitude au Mali, on décrètera sans doute, pour l’occasion, « une journée chômée et payée sur toute l’étendue du territoire national ». Comme on le fait trop souvent pour des occasions futiles, par exemple lorsqu’une fête tombe sur un jour de week-end.
Pourquoi n’avoir pas fait le choix d’investir IBK le 22 septembre, en ce jour si important pour l’histoire de notre jeune pays ? On aurait saisi une très belle occasion de joindre la symbolique des deux dates au besoin de marquer un acte d’union nationale, utile en cette période post-crise. On prouverait que « c’est au bout de la vieille corde qu’on tisse la nouvelle », comme dit la fable béninoise. On ferait faire des économies substantielles au pays. On offrirait à tous les maliens l’occasion de célébrer, ensemble, la double victoire de l’indépendance et de la démocratie.
Beaucoup de mes compatriotes se réjouissent – trop vite – de ces jours fériés intempestifs, annoncés au dernier moment, dans le journal du soir. Savent-ils seulement que cela coûte cher à un pays en mal de développement ? En l’absence de statistiques sur cette question, laissez-moi vous donner une base de calcul qui, à défaut d’être parfaite, donne une bonne idée du manque à gagner. Le budget 2013 du Mali s’élève en recettes à 1007,8 milliards FCFA. C’est à peu près la richesse nationale créée en 248 jours de travail. C’est-à-dire 365 jours de l’année moins 104 jours non travaillés (les samedis et dimanches) moins 13 jours fériés officiels, soit 248 jours. En divisant 1007,8 par 248 on trouve 4,1 milliards FCFA. C’est ce que rapporte chaque jour de travail au pays et donc ce que l’Etat perd pour chaque jour férié. A méditer.
Finalement on paye cher – trop cher – cette occasion ratée de joindre l’utile, le symbolique et l’agréable.